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A la recherche de l'esprit du Quattrocento

dimanche 22 mars 2015

Dans l'article précédent (Le dessin et l'idée), j'ai essayé de comprendre et d'expliquer la fascination que les oeuvres de la renaissance italienne exercent sur les foules. La lecture de Martine Vasselin m'a permis de commencer à formaliser ce qui fait l'originalité et l'esprit de l'art italien de cette époque, en particulier, j'ai commencé à percevoir et à bien comprendre la différence entre l'art du Quattrocento et sa dérive en courant maniériste. Il y a, dans les oeuvres du Quattrocento, un charme qui va disparaître ensuite.
Je vais essayer de comprendre, de définir, ce qui fait ce charme, et surtout, comment produire des dessins où il est à nouveau présent.
D'après Michel-Ange, étude d'une tête idéale - sanguine
(Marc Charmois - 2015-03)

Ce charme, comme tout processus issu d'un quelconque ensorcellement a certainement un côté magique, mais je pars du principe qu'en art, il y a certes, un peu de magie, mais surtout, beaucoup de travail pour réussir à produire cette magie.
La magie, c'est souvent de bon vieux trucs joués à la perfections par des magiciens expérimentés qui les ont beaucoup travaillés. J'aime beaucoup, de ce point de vue, la définition du génie par Thomas Edison :
"deux pour cent d'inspiration et quatre-vingt-dix-huit pour cent de transpiration".

Ce blog participe de cette démarche, de ce travail. C'est une sorte de journal de bord dans lequel je note ce qui ponctue ma démarche artistique que ce soit les œuvres ou les réflexions liées à leur création. Ceci me permet d'historiser ce qui me motivait quand j'ai produit tel ou tel dessin, et de noter la démarche qui m'animait, les réflexion nées au fil de cette démarche et qui en même temps participaient à son évolution. Il y a un peu quelque chose de l'ordre d'une heuristique artistique...
La nouveauté ici est de montrer comment la connaissance de l'histoire de l'art joue un rôle dans le travail de création.

La connaissance de l'histoire de l'art du Quattrocento est essentielle dans le travail de reproduction de dessins de cette époque de la renaissance italienne et la création d'œuvres originales s'inspirant du même esprit. Pourquoi ?


Parce qu'apprendre à dessiner, c'est avant tout apprendre à voir, apprendre à regarder et que tant que le regard n'est pas formalisé par des concepts liés à l'histoire de l'art, à l'évolution de l'art, on ne voit rien ou on voit mal.
Regarder des oeuvres d'art en les confrontant en parallèle au discours des historiens de l'art permet de forger son regard. Soit parce qu'on ressent exactement ce que l'historien de l'art a retranscrit en parlant de l'oeuvre, du courant artistique dans lequel s'inscrit l'oeuvre, soit au contraire parce qu'on n'est pas du tout d'accord avec ce discours. Ce n'est qu'au prix de ce travail qu'on peut réellement regarder, comprendre et dessiner. Sans ce travail on ne peut dessiner convenablement parce qu'on ne sait pas ce qu'on fait, parce qu'on ne sait pas où on va, parce qu'on est incapable d'avoir du recul sur son propre travail, de juger son propre travail.

C'est grâce à Martine Vasselin, par exemple, que j'ai pu comprendre vraiment l’interaction entre les idées de Platon et la façon de dessiner de Michel-Ange. Dans le même courant, la même veine que Martine Vasselin, j'ai découvert la conférence de Jacqueline Lichtenstein sur le primat du dessin à la renaissance. Madame Lichtenstein nous explique comment les idées de Cicéron, d'Aristote et de Platon, vont faire naître chez les artistes de la première renaissance italienne la notion de beauté idéale qui est absente de l'art du moyen âge.
Cela nous éclaire sur le fait que Michel-Ange selon la légende, lorsqu'il concevait ses personnages, ne dessinait jamais de visage d'après nature mais essayait de coucher sur le papier un visage dont le beauté idéale ne pouvait être de ce monde et qui était la représentation de l'idéal de beauté qu'il portait en lui. Légende complètement fausse, d'ailleurs, car Michel-Ange a fait le portrait de personnages vivants, on pense en particulier à celui d'Andrea Quaratesi, et se serait inspiré de visages de modèles vivants pour ses oeuvres mythologiques.

Néanmoins, cette idée nous invite en tant qu'artistes, à quitter épisodiquement la réalité quand on crée une oeuvre visuelle, et à ne regarder que l'oeuvre pour y placer une beauté qui n'est pas forcément celle que l'on voit. Une beauté intérieure, notre idéal de beauté, celui qui, bien souvent, transcende la réalité.
La difficulté suivante consiste à ce que cette beauté qui n'existe pas réellement ne se restreigne pas au traitement, à l'harmonie des lignes (dérive maniériste puis baroque), mais se focalise sur le sujet c'est à dire que, pour le spectateur, le sujet sur l'oeuvre doit être plus beau, plus gracieux, plus lumineux qu'il ne l'est en réalité. Je reviendrai sur ce point important plus tard.

Quant à Daniel Arasse, son exposé (accessible dans cette série de conférences) nous montre comment des peintres comme Fra Angelico, Alberti, Filippo Lippi étaient plus préoccupés de composer leurs œuvres à partir d'une symbolique, théologique, mystique que de représenter la réalité.
Il y a, là aussi, en oeuvre, dans le processus de création artistique, la motivation portée par un idéal bien que cet idéal soit différent de celui qui anima Michel-Ange et Léonard de Vinci et dont nous parle Jacqueline Lichtenstein. Une idée intéressante exposée par Daniel Arasse dans une de ses conférences est de montrer comment à l'époque de Cosme L'ancien, s'oppose en Italie, à Florence, mais aussi à Milan l'art gothique international et l'art toscan. L'art toscan s'oppose au gothique par plus de simplicité, de douceur de langueur. C'est en allant dans ce sens d'ailleurs, que le Pérugin (Pietro Perugino) se fera remarquer et sera appelé à Rome par Sixte IV pour peindre d'abord la chapelle de la conception puis les murs de la chapelle sixtine, rejoint plus tard par son ancien collègue de l'atelier du Verrocchio, Botticelli puis par Ghirlandaio, Cosimo Rosselli et Piero di Cosimo (1480-81)

Faisons une pause à ce stade et listons les motivations artistiques en vigueur à l'époque :
  • Une production artistique qui à la fois s'industrialise sous la forme d'ateliers (les fameuses Bottega) et qui fait entrer les arts visuels dans le cercle restreint des arts libéraux comme c'est admirablement expliqué par Jacqueline Lichtenstein dans sa conférence.
  • Un art mû par des préoccupations liées à des idéaux qui peuvent être théologiques, platoniciens, aristotéliciens, les uns n'excluant pas les autres.
  • La recherche par les artistes de la notoriété, de mécènes et de chantiers de plus en plus importants. La rivalité entre les artistes néanmoins nuancée par une forme de collaboration pour faire avancer les techniques.
  • Des courants artistiques qui s'opposent (art gothique, art flamand, art toscan, école vénitienne) et qui sont souvent liés à une motivation politique lors de la commande par le mécène. Les commandes étaient d'ailleurs bornées par des clauses contractuelles très précises et les artistes qui procédaient à l'élaboration de l'oeuvre (car il était rare qu'un seul artiste soit l'unique auteur) n'étaient pas vraiment libres dans le processus de création.
  • Enfin, et je trouve à mon goût que ceci n'est pas mis assez en avant par les historiens de l'art, une recherche de réalisme, de représentation de la nature, telle qu'elle n'a jamais existé auparavant (sauf peut être dans l'antiquité grecque et romaine) mais qui est tempérée par des préoccupations liées à la transmission de symboles religieux, puis philosophiques, liées entre autre à l'idéal cicéronien puis néo-platonicien.

En résumé, au vu des forces en présence et s'opposant à cette époque, c'est un petit miracle en soi que l'humanité ait hérité d'un patrimoine aussi prestigieux. Le Quattrocento, entre recherche de réalisme, idéal et industrie aurait tout aussi bien pu faire naître un art proche de celui des pays de l'ancien bloc soviétique.

Maintenant, que faire de cette somme de connaissances disparates pour travailler aujourd'hui dans l'esprit de cette époque, pour retrouver l'esprit, l'atmosphère de la première renaissance italienne ?

Toute la différence entre l'entreprise artistique en oeuvre au Quattrocento et les courants ultérieurs que les historiens de l'art qualifieront de réalistes est due à cette présence simultanée au Quattrocento de l'imitation de la nature et de la recherche d'un idéal. Ceci fera dire à Daniel Arasse qu'on ne peut parler de réalisme en art avant Courbet.
Et ce qui fait l'unicité des œuvres du Quattrocento tient justement de la nature de cet idéal.
Quand j'ai écrit la première version de cet article, je n'avais pas encore pleinement conscience de cet idéal. J'y venais... Je cherchais la douceur, la langueur de l'art toscan. Je cherchais la notion de beauté et l'idée de sublime qui animait les artistes de l'époque en référence à Platon.



A l'époque, je me suis remis à reproduire des visages de Michel-Ange, Léonard de Vinci et Botticelli pour essayer de comprendre comment ils traitaient un visage, comment ils dessinaient les yeux, la bouche, les contours et quelles techniques ils utilisaient pour rendre les formes et leur relief. Enfin, je me demandais dans quelle mesure, en fonction de la façon de dessiner, le dessin a l'air ancien ou non ?

C'est là que la connaissance de l'histoire de l'art intervient.

Un effort particulier a été fait pour se préoccuper de l'expression du visage, pour s'attacher à ce qui doit se dégager du personnage : langueur, douceur et grâce.
Ce faisant, et bien que restant dans une démarche réaliste, on s'évertue à placer dans l'oeuvre l'idéal qui donne à l'art de la première renaissance son unicité.
En se plaçant dans cette démarche, on s'abstient de céder à la tentation du rendu photographique et bien souvent on dessine en ne regardant plus que le dessin et en oubliant la personne ou la photo qui nous sert de modèle. Recopier des dessins de ce point de vue est important aussi puisqu'en le faisant, on interprète une oeuvre existante en étant obligé de faire la part des choses entre ce qui procède de la représentation de la réalité et ce qui donne ce supplément de grâce.

Et ça c'est un gros travail que tous les artistes figuratifs contemporains ont à faire : oublier qu'on a inventé la photo et dessiner comme si la photo n'avait pas été inventée, c'est à dire ne pas céder à la tentation de se rapprocher d'une photo quand on dessine.

A ce stade, je me faisais la réflexion suivante : dessiner parfaitement bien ne suffit pas. On a beau arriver à maîtriser parfaitement le dessin, on n'a fait que la moitié du travail. L'autre moitié, encore plus difficile, consiste à savoir rendre les expressions et faire en sorte que le traitement soit en accord avec ce qui doit se dégager de l'oeuvre... langueur, douceur et grâce.
D'ailleurs, il vaut mieux être bon dans l'expression, le traitement, que le dessin, c'est à dire la représentation stricte de la réalité. Il vaut mieux un dessin un peu maladroit avec une expression et une atmosphère riche, que le contraire.

A l'époque où j'ai réalisé ces dessins je n'avais pas conscience de les avoir réussi. Maintenant, avec le recul, je trouve que l'esprit de la première renaissance a été trouvé. Il y a eu deux sortes de recul :
  • Le premier est le fait d'oublier les dessins pour les voir comme une oeuvre qui aurait pu être faite par un autre que soi-même. C'est un travail de détachement nécessaire pour pouvoir juger ses propres œuvres. J'ai l'impression qu'avec le temps "ce temps d'oubli" devient de plus en plus court. L'idéal est d'obtenir ce détachement alors qu'on est en train de produire l'oeuvre... j'y travaille
  • Le second a été justement de continuer à forger mon regard, mon appréciation pour être capable de juger ce qui "sonne Quattrocento" et ce qui n'est pas dans l'esprit de cette époque. J'y travaille aussi. Le second séjour à Florence en mai 2015 a été d'une grande utilité sur ce point.
    A l'époque, je n'avais pas conscience de l'importance de la lumière... C'est une dimension que je commence seulement à intégrer...
Avec du recul et si j'essaie de synthétiser, je dirais qu'il y a un double travail à faire :
  • Un travail technique de représentation de la réalité, de la maîtrise du dessin, des règles de la perspective, du modelé, des contrastes, du travail de la lumière, de l'équilibre entre les aplats de couleurs et les lignes, du bon dosage.
  • Un travail qui est difficile à expliquer parce qu'il procède plus de l'intuition, de l'inconscient que de règles faciles à énoncer. C'est ce moment où l'on s'arrête de dessiner et où on prend du recul sur le dessin, sur son ensemble et où l'on juge si on va ou non dans la bonne direction. Et c'est pour ce travail que le regard, la connaissance de l'histoire de l'art et la conscience de la nature de l'idéal en oeuvre au Quattrocento prend toute son importance. Parce qu'il faut être capable à la fois, d'avoir conscience de ce qui fait partie de l'esprit du Quattrocento et de pouvoir juger si le travail que l'on vient juste de faire procède ou non de cet esprit.

    Sur ce point je reprendrai les idées exposées pas Jacqueline Lichtenstein dans sa conférence sur le primat du dessin à la renaissance. Jacqueline Lichtenstein nous parle d'une intention dans l'oeuvre d'art. Elle nous explique aussi que les mots "dessein" et "dessin" étaient le même mot avant le 17ème siècle.
    Cet esprit du Quattrocento que je traque est exactement ce que doit être mon "dessein" quand je fais un dessin dans l'esprit de cette époque. De l'intention que je veux y mettre. Et pour retrouver cet esprit du Quattrocento, je dois travailler avec les même desseins, les mêmes intentions que les artistes de cette époque, et donc je dois sinon me placer dans les circonstances dans lesquelles les artistes de cette époque ont créé, tout du moins les comprendre.
    Quand j'ai écris mon article "Le dessin et l'idée" j'avais vaguement compris que je ne pourrais imiter le style du Quattrocento sans avoir une connaissance du contexte artistique et historique de l'époque. Aujourd'hui je comprends avec clarté pourquoi c'est essentiel, et pour paraphraser Boileau, je sais que je l'ai compris parce que je suis enfin capable de le formaliser clairement.

A l'époque où j'ai écrit cet article, j'ai arrêté ces études, minimalistes, réalisées sur un format trop petit pour travailler sur un format plus grand. C'est d'ailleurs à ce moment là aussi que j'ai commencé à prendre comme modèle, non plus des dessins, mais des peintures. Le défi était d'imaginer ce qu'avait été l'étude préparatoire et de réaliser un dessin dans l'esprit du Quattrocento. C'est ce que j'ai fait par exemple pour le Botticelli de l'image précédente (vierge à la grenade) et pour l'image suivante.



J'ai donc repris un morceau de la fresque de la chapelle sixtine peint par Michel-Ange et représentant la Sibylle de Delphes. L'esprit du dessin ancien commençait à apparaître et j'étais content.
Toujours est il que ce visage a été terriblement difficile à faire. Il y avait cette esquisse incertaine de sourire avec la bouche entrouverte et ce regard entre "intrigué" et "inquiet"... Je reste sur ma faim... J'ai dû arrêter le dessin. Le papier était de mauvaise qualité, il commençait gravement à pelucher sous la gomme, avec du travail supplémentaire, j'aurais pu y faire un trou...

Après cette Sibylle, j'ai cherché d'autres modèles. Je suis tombé sur certaines oeuvres dessinées d'Andrea del Sarto que je ne connaissais pas et qui étaient magnifiques. J'ai recommencé à m'intéresser de plus près à del Sarto. Je m'aperçois que del Sarto commence à être aussi connu que Michel-Ange, Rapahël et Léonard de Vinci. C'est la magie d'Internet. Les connaisseurs, surfent, aiment et cliquent. Google enregistre et sert au public ce qu'il aime. La côte de popularité des maîtres anciens ne suit plus forcément les diktats des spécialistes en histoire de l'art qui pouvaient il y a peu imposer facilement leurs points de vue au public.

J'ai passé tout un samedi à rechercher des oeuvres à reproduire. Del Sarto me rappelait beaucoup Michel-Ange par ses contrastes violents, par son trait enlevé, par le côté un peu cra-cra des dessins, leur côté non finito. J'ai quand même décidé de faire un Michel-Ange le lendemain et comme c'était le wek-end, j'ai pu travailler à la sanguine et j'ai fait en une journée le dessin qui est le premier de cet article.
Il y a l'esprit du Quattrocento là dedans. Je me suis permis le luxe de modifier l'original pour un résultat qui me plait autant. Puis, j'ai travaillé deux versions de l'étude pour la tête de Léda de Michel-Ange, aux crayons de couleurs en essayant de faire en sorte que cela ressemble à de la sanguine.
D'après Michel-Ange, étude d'une tête idéale - sanguine
(Marc Charmois - 2015-03)
D'après Michel-Ange, étude pour la tête de Léda
crayons de couleur
D'après Michel-Ange, étude pour la tête de Léda (détail)
crayons de couleur
Je m'aperçois qu'à ce stade de mon travail, de mon évolution, j'étais plus focalisé sur la structure du visage, sur le rendu de son relief dans le dessin, que par l'expression du visage, par l'atmosphère, par ce qui se dégage du dessin. J'ai quand même fait en sorte d'adoucir l'original du maître, d'y mettre plus de féminité, plus de grâce, même si ça n'était pas, à l'époque, mon objectif principal. Il n'en reste pas moins, cependant, que la recherche de ce relief, de cette structure fait aussi partie de ce qui fait l'unicité du style du Quattrocento.
De ce point de vue, et pour expliquer pourquoi nos dessins d'aujourd'hui manquent de cette force et de cette structure en appelant une dernière fois l'histoire de l'art à la rescousse. A la renaissance, à l'origine du dessin, il y a la sculpture :
  • D'abord parce que c'est pratiquement ce qui restait aux florentins et aux romains comme vestiges de l'art antique et on sait que l'art du quattrocento dérive directement de l'art antique. Michel-Ange par exemple, a voulu devenir sculpteur car il a vu ces sculptures entreposées par les Médicis dans le couvent de San Marco.
  • C'est la sculpture aussi qui a permis de voir l'oeuvre d'art en trois dimensions et qui a permis dans le dessin d'inclure cette troisième dimension et d'inventer la perspective.
  • Tous les maîtres du quattrocento ont commencé leur apprentissage, enfants, dans les fameux ateliers (les bottega) et un des exercices de leur formation, outre la copie de dessins de leurs maîtres était le dessin d'après sculpture.

Ceci explique que le dessin de la renaissance insiste beaucoup sur les relief, les formes souvent avec des contrastes lumineux violents comme on en voit sur les statues. Le rendu de la forme sur le dessin d'une statue n'est pas perturbé par les couleurs de la peau. D'ailleurs dans le débat célèbre qui opposa les partisans de la couleurs dans le dessin (rubénistes) aux partisan du monochrome (poussinistes), les premiers soutenaient que "celui qui méprise la couleur se propose l'imitation de la sculpture plutôt que de la nature".

Il n'empêche que le meilleur peintre ou dessinateur, serait celui qui se serait entraîné à dessiner des sculptures avec un seul crayon avant de passer aux dessins de visages réels avec plusieurs crayons. Depuis cet article je fais du dessin de sculptures un exercice récurent.
Ce débat qui oppose la couleur à la ligne m'intrigue et je vais me documenter là dessus. Je sais qu'il y a une conférence de Jacqueline Lichtenstein sur le sujet. C'est le genre de réflexion qui permet à un artiste de faire des progrès en affinant à la fois, son regard et sa technique. J'ai quand même mon idée sur le sujet qui échappe peut être aux historiens de l'art (à vérifier) : la présence ou non de lignes dans le dessin est fortement liée au matériel utilisé. Beaucoup de lignes dans le dessin au crayon, très peu de lignes dans celui à la pierre ou à la mine de plomb.

D'autre part, sans avoir du tout creusé le sujet, j'ai le sentiment que ce genre de débat avait son importance quand les commandes et les achats d’œuvres d'art étaient réservées à une élite qui s'arrangeait pour partager les mêmes conceptions. Souvent le dernier mot en matière de goût était donné par le monarque de l'époque et on peut déplorer, à ces époques, la fâcheuse tendance de la recherche d'une pensée unique en matière de jugement des œuvres d'art . A notre époque, on est loin de ce genre de débat vu la multiplicité des œuvres d'arts, des styles, des courants, des époques. On peut par exemple décider de mettre beaucoup de lignes dans ses dessins et se réclamer de l'influence de Botticelli ou jouer sur la douceur de l'estompe et décider de travailler dans l'esprit de Léonard de Vinci.
Il serait intéressant de ce point de vue de se demander en quoi le style, le traitement procède ou non de l'esprit d'une oeuvre, de l'intention qu'on a voulu y mettre.